Le rôle de la Commission Nationale de la Certification Sociale est crucial dans la protection des salariés, dans le respect de la convention collective par les entreprises employant des intermittents. Son président nous présente cette commission opérationnelle depuis juin 2011…

Profitons de ce dixième anniversaire pour découvrir dans le détail ses missions, lors d’un entretien avec Christophe Pauly qui préside la Commission nationale de certification sociale des entreprises techniques du spectacle enregistré. Il est issu du collège « salariés » et membre de la F3C CFDT.

 

Un peu d’histoire pour commencer après une décennie d’existence…

La Commission nationale de la certification sociale (CNCS) a été créée en juin 2011 à partir d’un texte conventionnel étendu par le ministère du Travail. Son activité et ses décisions sont ainsi fondées sur un socle de dispositions sociales et économiques, socle lui-même légal et opposable aux entreprises.

Ce dispositif consiste à donner une certification aux entreprises sur présentation d’un dossier étudié par une commission paritaire — la CNCS — composée de représentants d’employeurs et de salariés représentatifs de la Convention collective nationale des entreprises techniques au service de la création et de l’événement. Cette représentativité est établie par le ministère du Travail sur la base des résultats des élections professionnelles dans les entreprises.

 

Pourquoi une telle commission ?

L’objectif de la CNCS est de veiller à la bonne application, au sens large, de la convention collective, de l’engagement vertueux et responsable de l’ensemble des entreprises du secteur. Avec la CNCS, nous voulons consolider, préserver et pérenniser une régulation à la fois sociale et économique. Il est indispensable que toutes les entreprises d’un même secteur professionnel soient soumises aux mêmes conditions, aux mêmes avantages et aux mêmes obligations.

Au fil des années, notre commission a bien évidemment évolué, beaucoup appris, et a acquis de l’expérience ; elle poursuit dans cette voie avec la même volonté d’approche vertueuse. Nous évoluons dans un cadre pédagogique d’accompagnement, mais aussi avec une certaine fermeté liée à notre nécessité de faire respecter les dispositions de la convention collective.

Nous agissons pour un monde professionnel stable, pérenne, qui travaille dans les meilleures conditions possibles, à la fois dans le quotidien du collectif de travail, mais aussi dans les relations entre les différents acteurs : diffuseurs, producteurs et prestataires.

Notre secteur se doit de respecter des règles, mais également d’avoir une certaine pérennité. Une société peut naître, une autre disparaître, c’est la vie économique. Mais la concurrence doit se faire dans un cadre régulé. Quand ce fait n’est pas posé, la pression est à la fois économique et psychologique, engendre du stress, tant côté direction que salariés. Au final, ce monde du travail fait parfois des choses intéressantes, mais le vit mal au quotidien. C’est ici que l’on peut parler de responsabilité sociétale des entreprises. La chose est nouvelle, mais chacun commence doucement à se l’approprier. La finalité de la certification sociale dans le spectacle enregistré est de couvrir la logique, la cohérence, l’ensemble du secteur pour que justement il n’y ait pas de distorsions, à la fois à l’intérieur et autour de la prestation technique. Diffuseurs, producteurs et prestataires techniques agissent dans un même collectif de travail pour aboutir à un programme, que celui-ci soit en direct ou enregistré.

 

Qui peut profiter de la certification ? Quels sont, pour les entreprises, les avantages ou contraintes ?

La certification se fait au profit de l’ensemble du secteur professionnel. Autrement dit, la commission veille à ce que l’ensemble des entreprises, donc à la fois une direction et ses salariés, fonctionne, tant en droits qu’en devoirs, dans le cadre du respect des dispositions conventionnelles. Ces dispositions conventionnelles ont forcément un impact à la fois sur le social et sur l’économique, tout est lié. Dans un marché économique libre, des règles existent malgré tout. Et nous nous efforçons justement de donner à tous les acteurs les mêmes droits et les mêmes chances, qu’il n’y ait pas de dumping de quelque ordre qu’il soit, dans un même secteur professionnel. Lequel comprend des diffuseurs, des producteurs et des prestataires techniques. Dans la chaîne économique, ces derniers apparaissent quelque peu comme la cinquième roue du carrosse. La prestation technique est un élément essentiel, mais aussi la dernière entreprise sur laquelle pèse le poids économique. Il est donc essentiel que toutes les entreprises du secteur jouent avec les mêmes règles. Pour être très clair et concret, disons que les heures supplémentaires des salariés doivent être payées, tout comme les minimas salariaux et les fonctions définies respectés.

 

Quels risques prend une entreprise non certifiée ?

Une entreprise ne disposant pas de la certification sociale ne peut alors pas établir de contrat à durée déterminée d’usage. Si elle le fait, elle est dans l’illégalité. Toute entreprise non certifiée est attaquable lorsqu’elle rédige un CDD d’usage, autrement dit qu’elle fait appel à de l’intermittence.

Nous veillons à ce que les entreprises de notre secteur ne soient pas des sociétés de portage salarial. C’est une volonté très ancienne du ministère de la Culture qui a donné lieu à des circulaires rappelant que le portage salarial ne devait pas être utilisé dans le secteur du spectacle en général.

 

Quels sont, pour les salariés, les avantages de travailler au sein d’une entreprise certifiée ?

La certification sociale permet aux salariés d’avoir la certitude que les conditions dans lesquelles ils travaillent, qu’ils soient en CDI ou en CDD d’usage, sécurisent leurs droits, en matière de temps de travail et de rémunération. Ils n’auront pas de problème par rapport à une contractualisation de contrats précaires. De plus, en tant que citoyens, en travaillant pour ces entreprises, ils participent au fonctionnement vertueux et responsable de leur secteur professionnel. J’aurais tendance à dire que le plus important pour les salariés, pour nous, pour les employeurs, est d’agir dans un cadre commun, avec une même manière de fonctionner.

 

Je suis un nouveau prestataire à la recherche de votre certification, à qui concrètement dois-je m’adresser ? Quel est le mode d’emploi ? Vous insistez beaucoup sur l’accompagnement…

Il s’agit d’une disposition conventionnelle et, comme il se doit, nul n’est censé ignorer la loi, ce qui ne nous empêche pas, en effet, d’avoir une forte activité d’accompagnement. Un travail pédagogique de longue haleine ! De très nombreuses nouvelles entreprises déposent chaque année un dossier. L’accès est particulièrement simple, il suffit de remplir un questionnaire sur notre site certificationsociale.org. La commission a dématérialisé son fonctionnement depuis quelques années, tout se produit en ligne. L’entreprise répond au questionnaire et dépose, sur ce même espace, les documents qui seront étudiés par la commission.

La première fois, il arrive que l’entreprise ait besoin d’aide, c’est pourquoi nous avons une personne dédiée à ces demandes. Nous tenons à ce côté vertueux de la CNCS qu’est l’accompagnement pour la constitution d’un dossier. S’il y a des problèmes dans la manière dont le dossier est rempli, nous contactons l’entreprise, nous essayons de les résoudre ensemble, avant sa soumission pour avis de la commission.

Lorsqu’une entreprise renseigne une demande et qu’elle n’est pas en conformité avec la convention collective, la CNCS a pour volonté de mettre l’entreprise sur les bons rails. J’insiste sur ce côté vertueux des choses, nous ne sommes pas des gendarmes. Quand on a expliqué à une entreprise, après un voire deux rendez-vous, qu’il faudrait aller davantage dans ce sens-là, qu’il faut arrêter d’agir comme ceci ou comme cela parce qu’elle est en contravention avec la loi, avec ce qui est opposable, et qu’elle maintient sa manière de fonctionner, de fait, là, on arrive à la répression. Il nous arrive bien évidemment, très régulièrement, de ne pas accorder la certification, mais uniquement après nous être donnés à nous-mêmes tous les moyens d’expliquer à l’entreprise la manière d’entrer dans cette équité, dans le respect de cette régulation générale.

 

En termes de délai, combien de temps faut-il attendre après avoir déposé son dossier ?

C’est variable, mais même si le dossier ne présente aucune difficulté, il faut compter deux ou trois semaines. Notre commission est composée de partenaires sociaux. Nous avons des réunions régulières, mais il ne nous est pas possible d’en faire une chaque semaine et de traiter dossier par dossier. Nous rassemblons un certain nombre de dossiers pour chaque réunion. Nous nous réunissons en moyenne tous les mois. Mais si nous, membres de la commission, sommes alertés du fait qu’il y a un gros afflux de dossiers, nous pouvons organiser une réunion plus tôt que prévu pour étudier les dossiers et ne pas perdre de temps. Il faut néanmoins un temps minimum à l’étude de chaque dossier et à la production de la décision de la commission. Toutefois, il convient de rappeler que ce temps, aussi bien pour l’entreprise qui dépose pour la première fois son dossier que celle qui demande un renouvellement, n’est pas préjudiciable puisqu’elle peut, pendant ce temps-là, établir des contrats à durée déterminée d’usage avec le numéro provisoire que nous lui attribuons.

 

Les nouvelles technologies et la crise que nous traversons, avec les répercussions qu’elle engendre sur le plan de l’organisation du travail, ont-elles une influence sur vos attribution ? Votre regard diffère-t-il depuis ?

Il faut du temps à la fois pour que les entreprises, les directions, les salariés, la commission s’approprient les évolutions technologiques, l’évolution de l’organisation du travail, en particulier du travail à distance. Nous en sommes conscients, certaines entreprises le sont aussi. Du point de vue conventionnel, rien n’est encore bien stabilisé. C’est vrai que nous vivons une crise sanitaire qui a peut-être aussi un peu fait évoluer les choses, sans qu’on le mesure complètement. Nous n’avons pas encore le recul suffisant de l’effet accélérateur de la crise sanitaire sur certaines organisations du travail dans notre secteur d’activité. La commission ne peut prendre en compte de nouveaux critères qu’à partir du moment où ils sont inscrits dans les dispositions conventionnelles, lesquelles doivent être négociées par les partenaires sociaux dans le cadre de la convention collective. Par exemple, en ce qui concerne le télétravail, le travail à distance, nous n’avons pas de dispositions conventionnelles précisément établies dans notre branche. Quand ce sera le cas, bien évidemment la commission en tiendra compte. En fait, il y a un ordre des choses, il convient de partir de ce que les partenaires sociaux de la branche, en termes de dispositions conventionnelles, établiront. À partir de là, de fait, la commission les intégrera. Bien évidemment, existent des liens entre les partenaires sociaux présents à la CNCS et ceux qui assistent aux négociations de la convention collective.

 

La dimension écoresponsable est-elle prise en compte dans la certification ou le sera-t-elle dans le futur ?

La responsabilité sociétale des entreprises intègre aussi l’aspect disons environnemental. Les prestataires, de manière initiale ou en premier lieu dans certaines institutions de la branche, la traitent déjà. Quand il s’agit de mettre en place de nouvelles formations, ils ont pleinement pris conscience de l’écoresponsabilité, de l’environnement au sens large. Des contrats de qualification professionnelle, des certifications professionnelles sont en cours d’établissement sur ce sujet. De fait, la convention collective va se les approprier et cet aspect sera pris en compte dans l’établissement du dossier pour la certification sociale.

Ce n’est pas le cas aujourd’hui, ce ne sera pas le cas exactement demain. Tout ça n’est plus en gestation, mais bien en création pour la mise en œuvre. Néanmoins, établir à la fois des diplômes, des certifications, des mesures qui concrétisent une activité particulière, éventuellement des métiers ou des compétences, ne se fait pas en un claquement de doigts. Bien évidemment, la commission est une prolongation de la convention collective qui, elle-même, reflète la réalité d’un secteur professionnel. Une convention collective ne peut pas être hors sol. C’est vrai aujourd’hui pour tous les secteurs professionnels en France, mais je dirais à fortiori dans notre branche, où l’activité est à la fois en intérieur et en extérieur et où sont utilisés tous les moyens de communication existant aujourd’hui. Cet aspect environnemental est connu de tous, pas complètement identifié ni approprié aujourd’hui par tous, mais les partenaires sociaux y travaillent.

 

Pour combien de temps est attribuée la certification sociale ?

Pour deux ans en général ; lors de la première demande, nous la donnons pour une année. Le renouvellement a tendance à être automatique. L’entreprise sait à quel moment elle doit renouveler sa demande qui lui sera accordée, si les conditions sont remplies, pour les deux années suivantes. Depuis dix ans des entreprises sont régulièrement certifiées, tout simplement parce qu’elles respectent les règles.

 

Sans nous projeter sur les dix ans à venir, nous nous limiterons aux prochain mois ou années, quels chantiers allez-vous entreprendre ? Quels sont les défis à relever ?

Parmi les évolutions, figure notre volonté d’arriver à bénéficier d’un peu plus de soutien de la part des pouvoirs publics, ce qui serait bénéfique pour l’ensemble de notre secteur d’activité. Il s’agirait simplement, puisque nous œuvrons à partir de dispositions conventionnelles, à avoir une forme de communication commune avec les pouvoirs publics avec un intérêt partagé dans la perspective de la pérennité du secteur. Il nous semble que l’audiovisuel français mérite ce soutien des pouvoirs publics.

Cet anniversaire constitue pour nous l’occasion de communiquer sur la commission, sa réalité, son intérêt qui se veut avant tout général. Nous sommes à la fois persévérants et patients. Nous sommes convaincus de l’intérêt des effets de la certification sociale sur notre secteur d’activité.

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #44, p. 80-82 

Commission Nationale de la Certification Sociale
11/17, rue de l’amiral Hamelin,
75116 Paris
Tél. : 01 45 05 72 53

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